Continuer à vivre...
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...pour ne laisser à personne la possibilité de s'arranger avec ma souffrance une fois mort·e. C'est par ces mots que joy réussit dernièrement à me faire sortir de mon épisode...
show moreC'est par ces mots que joy réussit dernièrement à me faire sortir de mon épisode sombre, après une journée, une de plus, passée entière à ponctuer mes respirations d'une image de Colt sur la tempe.
[TW vi•l su•c•de v•olence familiale]
Un bilan écrasant
Voilà des mois que j'ai passé de nombreuses journées au fond de mon lit, à ne pouvoir penser à rien ni agir. Des mois durant lesquels chaque action était un précipice qui m'obligeait au pas de recul, la procrastination. Alors que les mois enchaînent les drames et les scandales, dans mon intimité et dans la société, je doute de tout, de moi-même, de mon utilité, de ma pertinence et de ma légitimité. Une longue traversée du désert. L'année 2023 résonne encore des disparitions qui se sont enchaînées.
Chronologiquement, j'appris en mars celle de Nina Rosy qui mît fin à ses jours en janvier après un viol et un fatidique questionnement sur sa place dans le monde. Celle de Forest en avril présent dans ma vie durant 10 années et que j'ai du me résoudre à euthanasier dans une immense culpabilité. Le décès de ma vieille amie Micky partie en juin dans sa 79ème années par un refus de soins du sytème médical estimant qu'à son age on ne soigne plus ; il n'y eut aucune préparation de la concernée ni de ses enfants, toustes mis·es devant le fait accompli. Le décès de ma mère dans sa 75ème année, le 23 août 2023, le corps et le mental épuisés d'une vie de contraintes à subir la grossophobie et le patriarcat, son propre père et mon père. Après la fête de l'huma 2023, il y aura le carnage du 7 octobre et depuis le génocide à Gaza. Et personnellement, j'aurai subi la transphobie d'un·e agent de la CPAM bloquant mon dossier. Cela généra un report de 6 mois de mon opération avec toute la déstabilisation mentale inhérente.
Je me suis donc écroulée en octobre 2023. Je me suis sentie dépassée et incompétente dans mon incapacité à agir. Impossible d'écrire ni de monter les nombreux podcasts en attente. Est venu le sentiment d'échec de ne plus contribuer aux luttes, le mépris de moi-même. Honteuse de souffrir autant malgré le confort de ma vie alors que le génocide des Gazaouis continue dans une totale impunité et avec la complaisance de l'Occident, puis que les fascistes soutenus par une population amnésique influencent et reconquièrent les espaces politiques... J'ai vécu un burn-out militant, je n'ai pas pu tout mener de front, je devais faire mon deuil.
Toi ma mère
Ma mère partie, mon enfance comme un fantôme tapie dans mes souvenirs m'est revenue par à-coups, alternant arrêts et redémarrages, brusques. Ma mémoire comme un bolide lancé à pleine vitesse. Il me fut tellement difficile de lui dire adieu avec amour. Comment faire quand on a subi autant de violence à cause de la dépression. Finalement une dépression causée par le mari dysfonctionnel, agresseur et agressif. Au moment où j'ai commencé à écrire ces lignes, en janvier 2024, un post insta annonçait le 21ème féminicide. Rien n'est terminé, notre époque continue d'engendrer de la violence, la même qui émergeait de notre souffrance familiale lorsque je craignais pour la vie de ma mère.
Sur sa dépouille, j'ai dit à ma mère combien j'avais souffert et je n'avais pu être heureuse auprès d'elle. Elle avait l'incapacité de me prendre dans ses bras. Elle manquait d'empathie et d'amour. Ne jamais dire qu'on a mal. Au point où je cherchais à taire mon hurlement lorsque je fus recousue à vif par le médecin après avoir reçu, à 7 ans, un verre en pleine face, lancé par ma mère exacerbée par mon rire. Je peux pardonner ; je le sais, elle était engluée dans sa propre souffrance, moi son premier enfant, j'etais probablement un fardeau, alors que deux autres étaient nés à la suite.
Nous avions failli mourir ensemble lors de l'accouchement... cette fois c'est seule qu'elle est partie à 75 ans. Je sais tellement combien elle a subi le patriarcat. Incarné par son père et à sa suite son mari pourtant perçu au départ comme le libérateur. Un menteur. Ils se ressemblaient, dominants chacun à sa manière. Et nous enfants, témoins circonspects. Double peine de ceux qui doivent au quotidien trouver les postures pour ne pas reveiller les violences parentales tout en cherchant à comprendre pourquoi, pour soi, l'existence au monde est si compliquée. Finalement j'ai compris. Et en juin 2023, elle m'a nommée Martha avec aisance, comme ravie finalement d'avoir enfin une fille, à la fin de sa vie. Je ne savais pas que deux mois plus tard elle partirait.
Je me suis rapprochée d'elle et aujourd'hui sa disparition est d'autant plus dure que je me sens davantage sa soeur. Je sais combien elle a dû lutter pour assurer la solidité du foyer face au machisme de son mari, mon père. Pour son oraison funèbre j'ai voulu affirmer ma reconnaissance de son courage, ma compréhension de sa solitude dans sa mission de nous faire grandir. Je sais à quel point j'ai intégré et je continue aujourd'hui à ma façon à subir ce sentiment de sacrifice. J'ai appris la culpabilité. Je me sens seule, en dificulté à choisir mon destin. Et dans le fond je crois que pour beaucoup d'entre nous c'est le cas. Nous, toutes les femmes, n'héritons-nous pas de nos mères ce fatalisme paradoxal, devoir faire allégeance à ceux que nous devrons combattre ? Non parce que nous ne les aimons pas, mais parce qu'ils ne savent pas aimer(*).
Alors continuer
Voilà, je voulais vous parler de ce temps qui a passé avec peu de publications sur NONBI. Pas un vrai silence Radio puisque joy était là (merci à toi). Je sors donc à peine de 12 mois de silence. Je n'ai pu produire que difficilement et je me suis d'ailleurs demandée s'il ne valait pas mieux arrêter là.
Mais voilà 6 ans maintenant que NONBI existe et trace son petit chemin dans les méandres des algorythmes. Nous avons developpé un ton, des formats. Débutant en urgence par le relais de la lutte antispéciste, nous portons les luttes feministes et LGBTQIA+, un ADN de convergences. Celles que nous vivons. Et puis nous abordions enfin l'antiracisme décolonial. Impossible donc de s'arreter avec toutes les oppressions des forces réactionnaires, capitalistes, racistes et patriarcales qui se déchaînent. Nous avons encore en réserve des sons à vous partager et d'autres à aller chercher là où les voix portent et ont besoin d'un echo.
Je prends donc exemple sur ma mère qui s'est battue jusqu'à son dernier souffle. Je suis la dernière à qui elle ait pu parler lorsqu'elle m'a dit au téléphone: "Je te laisse, je ne peux plus parler." Elle étouffait. 3 secondes pour dire au revoir et se taire à jamais. Il me reste tellement de temps, bien au delà de 3 secondes, pour continuer à faire parler le monde. Un hommage et un soutien à tous·tes celleux qui ne veulent plus se taire.
En sa mémoire et pour rendre hommage à toutes les femmes, nos soeurs, je vous partage cette chanson de Mathilde, une artiste inspirante qui m'a insufflé la nécessité d'écrire cet article pour reprendre ma place auprès de ma mère et dans le monde. A la gloire des femmes en deuil !
https://youtu.be/H7oc4uS0C7Y?feature=shared
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